Stéphane MALLARMÉ
Stéphane Mallarmé, né à Paris, le 18 mars 1842, est mort à Valvins (commune de Vulaines-sur-Seine, Seine-et-Marne), le 9 septembre 1898.
"... Très peu d’années [avant Bateau ivre de Rimbaud], le jeune Mallarmé avait, dans une « première manière », composé à Tournon son célèbre poème Brise marine, où l’on voit opérer, là encore, ce que nous avons appelé plus haut nostalgie intime : pour le départ, pour le voyage, pour un là-bas, c’est-à-dire tout le «refrain» connu de la fuite vers l’ailleurs, métaphore notoire de la poésie, « steamer », pensée navigante, sur une étendue a priori dénuée de sens. Mais, cette fois, à la différence de Bateau ivre, il n’y a pas la succession dynamique d’un départ suivi d’une expérience menant à un besoin de retour, fût-il malheureux ; ici, tout est bloqué : « Fuir ! là-bas fuir ! » certes, où « des oiseaux sont ivres », il le faudrait bien puisque «la chair» ou « les livres » n’inspirent qu’un « hélas ! » ; et l’on prétend alors s’affranchir de tous ces liens qui retiennent le poète : sa tâche de créateur (« le vide papier que la blancheur défend »), ses obligations familiales (« la jeune femme allaitant son enfant »)… Le blocage provient d’une terreur soudaine, tout à fait voisine de celle qui arrête Hamlet dans son monologue suicidaire : « Mourir, dormir ; dormir… rêver peut-être. C’est là le hic ! Car, échappés des liens charnels, si, dans ce sommeil du trépas, il nous vient des songes… halte-là ! » Ici, vient de même le coup d’arrêt : Et, peut-être, les mâts, invitant les orages/ Sont-ils de ceux qu’un vent penche sur les naufrages/ Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots… Pas d’accomplissement, le rêve avorté, nulle vocation de Robinson… sinon pour à peine plus que la rime : Mais, ô mon cœur, entends le chant des matelots !"
À lire : Œuvres complètes, "Bibliothèque de la Pléiade", Gallimard, 2 tomes, 1998-2003.
Paul FARELLIER
(Revue Les Hommes sans Épaules).
Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules
|
|
|
Dossier : DIVERS ÉTATS DU LOINTAIN n° 34 | Dossier: GEORGES BATAILLE ET L’EXPÉRIENCE DES LIMITES n° 37 |